Le portail nord, les disciples d'Emmaüs, La dernière apparition du Christ aux apôtres

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  Ce tympan a été présenté à l'examen de fin d'études de l'UV de Théologie de l'Art enseigné par Madame Chantal Leroy en 2006 à la Faculté Catholique de Lyon pour illustrer le thème "images de la résurrection".

 

Avec ce tympan était également proposé un chapiteau de la cathédrale Saint Lazare l'Autun: L'apparition du Christ à MArie Madeleine.

 

1.          Situation :

 

Ce tympan fait partie du portail nord du Narthex de la basilique.

 

2.          Ce que nous voyons :

 

2.1.               Première approche :

 

Le portail nord constitue une des entrées dans la nef de la basilique. Probablement à l’origine, la porte par laquelle tout pèlerin devait entrer dans la basilique. La présence d’un pédiluve juste après le portail semble le confirmer.

Entouré de délicates voussures très en relief qui ont résisté aux affres du temps, le tympan. Une séparation horizontale l’organise en deux registres superposés..

Au registre inférieur, trois compartiments ou scènes :

-          la première à gauche : trois personnages nimbés et un arbre

-          la seconde au milieu : dans une alcôve : trois personnages nimbés attablés.

-          La troisième à droite : deux personnages semblent marcher vers la droite.

Le registre supérieur : des personnages autour d’un personnage plus grand. Tous sont nimbés.

 

2.2.               Approche détaillée :

 

Le registre inférieur :

-          première scène :

o        Les personnages sont pieds nus. Bien que très abîmés, on peut voir que leurs vêtements sont très « aériens ». On peut également distinguer leurs nimbes, celui de gauche est crucifère. A coté de son personnage est figuré un palmier. Dans sa main droite il a un bâton qu’il maintient sur son épaule : tel un pèlerin. Le personnage de gauche est donc le Christ, et c’est un Christ résurrectionnel (le palmier est un symbole d’éternité, l’auréole crucifère confirme si nécessaire le personnage du Christ).

o        Les deux personnages de droite sont tournés vers lui. Le drapé de leurs costumes est finement sculpté et donne une impression de légèreté.

-          Seconde scène :

o        La scène semble reprendre les personnages du compartiment précédent. Le sculpteur a donc voulu représenter un événement autour de la vie de ces personnages. La scénette est compartimentée pour mettre en évidence un lieu fermé. Une porte figure sur la droite, faisant le lien avec la scène suivante.

o        Les personnages sont attablés. Le Christ est au centre et il semble rompre le pain. En effet, on ne distingue plus sa main droite, mais on peut voir qu’il tient de sa gauche, posé sur la table une boule aplatie, qui pourrait être du pain, boule qui est fendue au milieu.

o        Les deux autres personnages le regardent.

-          Troisième cloison :

o        Ils ne sont plus que deux, Ils s’en vont vers la droite. Le Christ a disparu.

 

Le registre supérieur :

-          Le registre supérieur se caractérise à la fois par un superbe élan vertical  et par une grande légèreté due au mouvements des étoffes qui semblent soulevé par un courant d’air qui part de leur pieds.

-          Tous les personnages sont pieds nus et ils sont posés par terre.

-          Le personnage central se distingue particulièrement bien des autres :

o        Par sa taille : c’est le plus grand de tous

o        Par le soin apporté au drapé de ses vêtements et à son coté très aérien

o        Son nimbe est plus en relief que les autres, et la croix est très proéminente.

 

 

 

La première scène, bien que très abîmée nous présente la rencontre du Christ et des pèlerins d’Emmaüs :

Le drapé des vêtements est flottant et plaqué contre le corps des pèlerins. Comme si le vent venait du personnage de gauche : le Christ. L’auréole crucifère ainsi qu’un palmier à sa droite, signe d’éternité le confirment.

 

 

Ils cheminent jusqu’au village d’Emmaüs et dans une maison ils dressent la table autour du Christ, très marque par son auréole crucifère. Le Christ est en position centrale et l’attitude des pèlerins montre qu’ils lui portent toute leur attention. Ils le reconnaissent au moment du partage du pain.

Nous sommes dans l’intimité d’un repas.

 

La troisième scène nous montre les deux disciples seuls, la porte à gauche signifie une continuité avec la scène précédente. Le Christ a disparu de la scène parce qu’il a réellement disparu subitement aux yeux des pèlerins. Ils se hâtent vers Jérusalem pour annoncer sa résurrection aux apôtres.

 

La troisième scène nous montre les deux disciples seuls, la porte à gauche signifie une continuité avec la scène précédente. Le Christ a disparu de la scène parce qu’il a réellement disparu subitement aux yeux des pèlerins. Ils se hâtent vers Jérusalem pour annoncer sa résurrection aux apôtres.

 

3.          Interprétation et commentaires :

 

Le portail nord précède une zone dont le dallage forme un creux, ou pédiluve. Ce bassin symbolique manifeste le rôle du baptême dans le cheminement du chrétien : la lutte contre le mal. Le mal représenté par la gauche, et donc le coté nord de l’édifice religieux.

 

Les trois scènes du registre inférieur semblent résumer trois évènements : une rencontre, un repas, un départ. Les textes auxquels semblent se révérer ces séquences sont l’histoire de la rencontre du Christ et des pèlerins d’Emmaüs après sa résurrection.

 

La scène du registre supérieur montre les apôtres (chacun tient un livre) réunis autour du Christ. Il a les bras levés. Compte tenu du thème du registre inférieur, on peut en déduire que la scène représente la rencontre du Christ et des apôtres après sa résurrection (unité de thème du tympan).

 

3.1.               Retrouver l’évangile

 

3.1.1.        Le registre inférieur

 

Evangile de Luc (24 : 13-24)

 

13 - Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux faisaient route vers un village du nom d'Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades,

14 - et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé.

15 - Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s'approcha, et il faisait route avec eux;

16 - mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

17 - Il leur dit : «Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant?» Et ils s'arrêtèrent, le visage sombre.

18 - Prenant la parole, l'un d'eux, nommé Cléophas, lui dit : «Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci!»

19 - «Quoi donc?» leur dit-il. Ils lui dirent : «Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s'est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple,

20 - comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié.

21 - Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées!

22 - Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S'étant rendues de grand matin au tombeau

23 - et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le disent vivant.

24 - Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit; mais lui, ils ne l'ont pas vu!»

25 - Alors il leur dit : «O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes!

26 - Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire?»

27 - Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait.

28 - Quand ils furent près du village où ils se rendaient, il fit semblant d'aller plus loin.

29 - Mais ils le pressèrent en disant : «Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme.» Il entra donc pour rester avec eux.

30 - Et il advint, comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna.

31 - Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent... mais il avait disparu de devant eux.

32 - Et ils se dirent l'un à l'autre : «Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures?»

33 - À cette heure même, ils partirent et s'en retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons,

34 - qui dirent : «C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon!»

 

 

 

3.1.2.        Registre supérieur :

 

Evangile de Matthieu (28 :16-20)

16 - Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous.

17 - Et quand ils le virent, ils se prosternèrent; d'aucuns cependant doutèrent.

18 - S'avançant, Jésus leur dit ces paroles : «Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.

19 - Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,  

20 - et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin de l'âge.»

 

Evangile de Marc (16 : 14-20)

 

14 - Enfin il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu'ils étaient à table, et il leur reprocha leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l'avaient vu ressuscité.

15 - Et il leur dit : «Allez dans le monde entier, proclamez l'Évangile à toute la création.

16 - Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; celui qui ne croira pas, sera condamné.

17 - Et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom ils chasseront les démons, ils parleront en langues nouvelles,

18 - ils saisiront des serpents, et s'ils boivent quelque poison mortel, il ne leur fera pas de mal; ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront guéris.»

19 - Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s'assit à la droite de Dieu.

20 - Pour eux, ils s'en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l'accompagnaient.

 

Evangile de Luc (24 : 50-53)

 

50 - Puis il les emmena jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit.

51 - Et il advint, comme il les bénissait, qu'il se sépara d'eux et fut emporté au ciel.

52 - Pour eux, s'étant prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem en grande joie,

53 - et ils étaient constamment dans le Temple à bénir Dieu.

 

      

      

 

 

Bien que huit auréoles soient visibles, on compte bien onze apôtres réunis autour du Christ lors de sa dernière apparition. Un élan fabuleux anime cette scène de la rencontre ultime des apôtres et du Christ ressuscité. Son surdimensionnement par rapport aux apôtres, le parallélisme des lignes de construction et l’orientation (supposée) du regard des apôtres, montre une convergence sur la tête du Christ. Le sculpteur nous invite à contempler nous aussi le Christ, être les témoins de la scène et ainsi faire avec les apôtres cette expérience mystique de voir le Christ avant son ascension vers le Père, et à recevoir le rayonnement du Christ.

 

Un souffle anime les étoffes des personnages et les fait virevolter ; un souffle qui annonce l’imminence de son ascension dans une puissance non manifestée. Les volutes du bas des vêtements sont telles des coquillages (symboles de résurrection). Le mouvement est aussi appelé « pli en cloche ». Le vent ascensionnel s’engouffre sous la robe du Christ. Ce souffle est le souffle divin, celui qui donne vie au Verbe, qui l’incarne, la manifestation de la force divine, qui nous fait entrer dans la maison (divine).

 

Le portail, de par l’élan et son message est une invitation à entrer, mais il nous prévient : préparez-vous à être « soufflés » ; préparez-vous à faire une expérience du sacré qui vous transformera, qui vous permettra de re-naître, ce qu’illustre le portail sud, et de recevoir la Lumière universelle, l’Esprit Saint comme les apôtres à la pentecôte.

 

Jean (12 :32) : « Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi »

 

3.2.               Le chant

 

Un chant correspond parfaitement à cet instant de communion divine, celui de l’invitation à communier, recevoir et partager :

 

Seigneur, ouvre mes lèvres !

Et ma bouche publiera ta louange !

Gloire au Père, au Fils, au Saint-esprit, maintenant et toujours !

Dans les siècles des siècles, amen !

Alléluia !

Ouverture du psaume 94, Laudes de la résurrection

 

3.3.               L’accord parfait.

 

Regarder le tympan nord, comme les autres sculptures de la basilique de Vézelay nous remplit d’admiration et nous subjugue. La sérénité des lieux, une colline d’éternité (hors du temps et du quotidien), tous les éléments sont réunis en ce lieu re-ligieux, pour favoriser la contemplation et faire l’expérience du sacré, nous re-lier au divin. Voir ce que nos yeux n’auraient jamais vu sans aucune préparation à voir l’invisible, l’intelligible, et qui devient révélation, pure lumière. Les sculpteurs de Vézelay ont réussi ce que Malraux appelait l’accord parfait sujet âme, accord parfait entre le sujet (sculpté) et le Verbe (incarné).